Par Mélanie Demers inf. B.Sc.
On me demande souvent ce qu’est la santé environnementale et pourquoi cibler les enfants en particulier. Plusieurs personnes me disent que tout semble dangereux et qu’il est donc irréaliste de tout éliminer et de voir les choses de façon positive. Vous trouverez ici une façon de répondre à toutes ces interrogations.
Qu’est-ce que la santé environnementale?
En 2004, la santé environnementale a été définie par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) comme « tous les aspects englobant la santé humaine, y compris la qualité de vie, qui sont déterminés par les facteurs physiques, chimiques, biologiques, sociaux et psychosociaux de l’environnement. L’expression désigne aussi la théorie et la pratique qui consistent à évaluer, corriger, contrôler et prévenir les facteurs environnementaux pouvant avoir un effet sur les générations présentes et futures. »
Selon cette définition, le champ de pratique en santé environnementale est assez large. Il peut toucher l’exposition en milieu de travail, les conditions socio-sanitaires lors de catastrophes naturelles, les changements climatiques… mais aussi les risques présents dans notre environnement de tous les jours et qui peuvent affecter la santé. Par conséquent, cela touche l’air intérieur, les cosmétiques et produits de soins personnels, les produits nettoyants, l’alimentation, etc.
Pourquoi la santé environnementale?
Depuis les 50 dernières années, le cancer et les maladies chroniques sont devenues des maladies de plus en plus fréquentes et constituent l’épidémie des temps modernes. D’ailleurs, l’OMS estime que 19% de tous les cancers à l’échelle mondiale peuvent être attribués à l’environnement et cela, sans compter ceux dont l’environnement fait partie des éléments contribuant au cancer. De plus, on remarque aussi une incidence accrue de problèmes neuro-comportementaux chez les enfants tels que les troubles envahissants du développement, l’autisme, l’hyperactivité…
De plus, des dizaines de milliers de substances chimiques ont été créées et introduites dans notre environnement et très peu ont été étudiées pour voir leurs effets sur la santé humaine. Par exemple, aux États-Unis, 89% des 12 500 ingrédients utilisés dans les produits de soins personnels n’ont pas été évalués quant à leur sécurité. De plus, des analyses de sang effectuées sur des centaines de personnes en Amérique du Nord ont révélé la présence de 116 substances chimiques toxiques différentes. Ainsi, n’est-il pas étonnant que le cancer, entre autres, soit maintenant si présent? Dans les années 1970, une personne sur 5 courait le risque de développer un cancer pendant sa vie. Aujourd’hui, il est d’environ une personne sur 2,5.
Ainsi, en tant qu’infirmière, mon rôle consiste, entre autres, à informer et communiquer les risques liés aux dangers environnementaux. En effet, je crois fermement que chaque personne doit prendre sa propre santé en main, car le système de santé actuel s’avère très surchargé et qu’il est beaucoup plus axé sur le traitement des maladies. La pratique préventive est émergente au Québec et la santé environnementale, pratiquement inconnue. Donc, mon but est d’informer sur les risques présents dans l’environnement et de responsabiliser les gens afin qu’ils prennent leur santé en main.
De plus, j’essaie toujours de conclure mes articles sur une note positive en donnant des conseils de prévention simples et efficaces, car, à mon avis, la prévention est beaucoup mieux que le traitement. Cependant, je ne dis pas qu’en suivant mes conseils, plus personne ne souffrira de cancer, mais, si cela arrivait, le système de santé public serait là pour les traiter et, je l’espère, dans des délais raisonnables.
Pourquoi les enfants?
Face à cette exposition aux substances chimiques, il est indéniable que les enfants constituent le groupe le plus à risque. En effet, les jeunes enfants respirent plus d’air, consomme plus de nourriture et boivent plus d’eau par kilogramme de poids corporel que les adultes et cela augmente leur exposition relative aux substances chimiques présentes dans l’environnement. De plus, leur cerveau, leur système nerveux et leurs organes sont en développement de même que la barrière empêchant les substances chimiques de passer du sang au cerveau. Et, comme on sait qu’habituellement, un cancer se développe après 20 à 30 ans d’exposition, il s’avère doublement utile de protéger les enfants.
Les bébés ingèrent aussi des produits conçus pour un usage externe seulement en mettant leurs doigts, leurs mains, leurs orteils, leurs jouets et d’autres objets dans leur bouche. Finalement, la peau des bébés s’avère beaucoup plus perméable que celle des adultes.
De plus, l’arrivée d’un nouveau-né amène souvent les parents à se questionner quant aux soins à donner à leur enfant, mais aussi à remettre en question leurs façons de faire. En effet, quel parent ne veut pas ce qu’il y a de mieux pour son enfant? Cet événement représente donc une belle occasion pour apporter des changements au niveau des habitudes de vie et de prendre en charge sa santé et celle de son enfant.
Tout est dangereux?
Lorsque l’on commence à découvrir toutes les substances toxiques présentes dans les produits de consommation courante, il est normal d’avoir l’impression que tout est dangereux. Cependant, les changements suggérés n’ont pas besoin d’être opérés tous en même temps. Par exemple, on termine la bouteille du shampoing actuel et on regarde la liste des ingrédients lorsque l’on achète la suivante. Puis, petit à petit, vous éliminerez de nombreux produits d’usage courant qui contenaient des substances toxiques.
Il n’est pas obligatoire de tout éliminer, de toute façon ce serait difficile. Cependant, lorsque l’on veut prendre sa santé en main, il faut faire des choix éclairés. En effet, le corps possède une certaine capacité pour se détoxiquer. Or, il est un peu comme un verre d’eau qui se remplit jusqu’à ce qu’il déborde. Cela signifie qu’il a le pouvoir d’éliminer certaines substances chimiques par lui-même, mais au fil du temps, si l’exposition est plus importante que l’élimination, les problèmes de santé apparaîtront.
Des changements coûteux?
Oui, il y a des actions qui peuvent paraître coûteuses à certains égards. Par contre, il faut considérer cela comme un investissement à long terme pour notre santé, mais aussi pour la société dans laquelle nous vivons. En effet, quel est le coût d’une maladie chronique telle que le cancer? En plus du coût monétaire, il faut calculer la diminution de la qualité de vie parfois pendant plusieurs années, les souffrances tant physiques que psychologiques, les traitements, les médicaments…
De plus, si les gens font des efforts collectifs et décident d’acheter des aliments biologiques, par exemple, les prix baisseront. C’est le principe de l’offre et de la demande : plus il y a de demandes pour un produit, plus les fabricants en offriront et plus les prix diminueront. De plus, il ne faut pas oublier qu’acheter, c’est voter. Cela signifie que si vous cessez d’acheter un produit parce qu’il contient trop de substances nocives, la compagnie n’aura pas d’autre choix que changer la formulation de son produit lorsqu’elle verra ses ventes diminuer. Un autre moyen de faire pression sur l’industrie : les pétitions. En effet, elles ont permis d’éliminer plusieurs substances toxiques dans les produits de Procter & Gamble, Johnson & Johnson, Zara, Levis et plusieurs autres. L’opinion des consommateurs s’avère souvent très importante pour les compagnies et les forcent souvent à effectuer des changements.
En conclusion, je veux informer les gens sur les dangers qui peuvent avoir des répercussions plus ou moins graves au cours de leur vie afin qu’ils interviennent positivement AVANT la maladie.
Références :
Association des infirmières et infirmiers du Canada (2009). Énoncé de position : Les infirmières et la santé environnementale, Ottawa, http://www.cna-aiic.ca/fr/search-results?q=%C3%A9nonc%C3%A9%20de%20position%20les%20infirmi%C3%A8res%20et%20la%20sant%C3%A9%20environnementale&lcid=3084 [En ligne], page consultée le 20 novembre 2013.
Environment & Human health inc. (2008). Plastics that may be harmful to children and reproductive health,North haven, 81 pages.
Environmental Working Group (2008). Comments for public meeting on “International cooperation on cosmetics regulations (ICCR) preparations”, http://www.ewg.org/news/testimony-official-correspondence/comments-public-meeting-international-cooperation-cosmetics [En ligne], page consultée le 20 novembre 2013.
Griffin, Sean (2008). Diminuez les risques de cancer: Guide du consommateur averti, Cancersmart, Montréal, 51 pages.
Organisation mondiale de la Santé (2011). Cancers dus à l’environnement et au milieu professionnel, http://who.int/mediacentre/factsheets/fs350/fr/ [En ligne], page consultée le 20 novembre 2013.
Silver, Larry B. (2007). Practice Prevention: Baby Care Products, Learning and Developmental Disabilities Initiative, http://www.healthandenvironment.org/initiatives/learning/r/prevention [En ligne], page consultée le 6 septembre 2013.
Merci Mélanie de transmettre tes connaissances et nous permettre de développer nos savoirs pour notre santé et celle de nos enfants!